Chronique du Vendredi 16 juillet 2021

Juste une embellie (Festival Off)

Frances et Madeleine ont aimé le même homme. L’une est la mère de ses enfants, son ancre...
L’autre une militante, passionnée et indépendante.
Sont-elles si différentes ?
La pièce se passe sur l’île de Wight en Angleterre.
L’ADN d’une histoire d’amour est-il le même que celui d’une passion ?
Peut-on aimer quelqu’un et pourtant le quitter ?
Ou l’aimer en acceptant de subir ?
David Hare, scénariste Hollywoodien oscarisé (The Hours, The Reader), et grand dramaturge britannique, nous explique ses règles du jeu à travers une confrontation, épidermique et sensible.

Frances et Madeleine, deux femmes qui, comme les plaques tectoniques, ne devaient jamais se rencontrer, ont aimé le même homme. A travers leurs confessions d’une nuit, elles vont redéfinir leurs places dans cette histoire partagée, renverser les codes du rapport épouse-maîtresse et réinventer de nouvelles perspectives en se livrant à un jeu de chat et de souris dont il faudra bien composer les règles, au rythme des secrets dévoilés et des morceaux de vie brutalement mis au jour.
Chaque histoire n’a-t-elle pas son unique identité ? Pourtant, les liens que ces deux femmes tentent de démêler nous semblent à la fois personnels et très intimes, déroulant devant nos yeux des pans entiers de notre sensibilité collective.
Les années Flower Power ont-elles vraiment révolutionné nos relations homme-femme ? La place de la femme évolue-t-elle aussi rapidement que les hommes veulent le croire ?
Les rapports homme-femme décortiqués par David Hare deviennent le reflet d’une société qui ne cesse de muter.

Juste une embellie
Théâtre des Gémeaux

Distribution
Auteur : David HareInterprètes / Intervenants

Metteur en scène : christophe Lidon
Interprète(s) : Corinne Touzet, Raphaëline Goupilleau

Misericordia (Festival In)

Dans leur maison misérable qu'elles quittent chaque soir pour aller vendre leur corps, Bettina, Nuzza et Anna s'occupent d'Arturo, un enfant retardé qu'elles ont pris sous leurs ailes. C'est une vie difficile, où chaque geste du quotidien est un combat et où toutes passent des éclats de voix aux éclats de rires, de la tendresse à la rage et des travaux d'aiguille au trottoir. Pourtant si elles s'aiment et aiment Arturo, celui-ci grandit, et l'inconstante harmonie de leur déséquilibre ne semble plus suffire... Mêlant douceur et brutalité, humour et gravité, Emma Dante explore le thème de la maternité. L'histoire d'une famille indigente et atypique réunie autant par la misère que par un grand coeur : Misericordia. Sur un plateau presque nu, elle brosse un triple portrait de femmes dont les mots rudes répondent au mutisme d'Arturo, incarné sur scène par le danseur Simone Zambelli. Et offre ainsi un hommage aux femmes et aux mères. « Pour moi, ce sont trois Parques, trois êtres mythologiques qui parviennent à faire des miracles au moyen de l'amour et de la résistance.”

Misericordia
Gymnase du lycée Mistral

Distribution
Avec : Italia Carroccio, Manuela Lo Sicco, Leonarda Saffi, Simone Zambelli

Texte et mise en scène : Emma Dante

A nos corps défendus (Festival Off)

Sur scène, une figure. Mythique ? Statuaire ? On l'appellera Chimère.
Elle est là, sur scène, immobile d’abord, elle s’éveille, s’anime. Elle veut se définir, elle veut savoir qui elle est. Elle se sent multiple. Elle veut devenir l'autre, être l’autre, pour mieux se retrouver. C'est cette figure qui va traverser des paroles de 16 à 100 ans, des histoires et des corps. C'est à travers ces corps qu'elle va s'incarner.
Elle parle. Une langue qui donne l'illusion de rester au plus près de la parole témoignée. Une langue réaliste et vivante mais pourtant rythmée, tendue par la réécriture.
Elle s’incarne aussi par le mouvement. Petit à petit le corps vibre, tremble, s’ouvre, se tord, exprime les doutes et les assurances des différents personnages.
La musicienne aussi est sur scène. Avec un piano et un looper, qui permet d'enregistrer des boucles. Avec sa voix et son corps aussi.
Elle accompagne les transformations ou elle les provoque. Un accompagnement musical ou un contrepoint sonore.
La Chimère et tous les personnages qu’elle traverse sont accompagnés par une grande variété de styles musicaux.
Ces morceaux sont toujours composés autour de la même note : la note “La” , diapason de la musique occidentale, la référence la plus couramment utilisée pour l'accord des instruments et des voix.
Sur scène encore, la régisseuse.
Ou plutôt, la manipulatrice de la lumière.
Elle met physiquement en place les lumières. Son corps cache ou fait
apparaître les sources.
Avec des éclairages du quotidien, elle met en valeur des parties de corps, ou crée des ambiances générales, écrins de la parole et de la musique.
Les présences de la musicienne et de la manipulatrice de la lumière sur scène, créent un espace toujours habité qui donne sa force et sa chair à l’émergence des paroles et aux différentes incarnations de la Chimère.
"À nos corps défendus" est un voyage intime, sensible et universel, à travers les témoignages d’hommes et de femmes sur leur rapport au corps

A nos corps défendus
Théâtre des Carmes

Distribution
Auteur : Alexia VIDAL

Interprète(s) : Alexia VIDAL, Célyne BAUDINO, Amandine RICHAUD

Nietzsche & Baudelaire (Festival In)

« Je n’aurais pas imaginé cette lecture pour France Culture, sans la complicité d’un ami de longue date, Stanislas Wais, qui a eu cette idée de mêler Baudelaire et Nietzsche. Pour moi, Nietzsche est le philosophe le plus littéraire de tous, c’est pourquoi l’on peut légitimement s’interroger sur la possibilité de le dire devant un micro ou devant un public. Je n’ai pas de formation philosophique donc ce que je dis n’a aucune ambition de vérité universelle, mais il me semble, moi qui n’ai pas été longtemps à l’école, qu’ouvrir un livre de Kant, Hegel ou Spinoza, c’est très compliqué. Alors que la pratique nietzschéenne de l’aphorisme donne accès plus facilement à l’œuvre.

Et puis, pour dire toute la vérité - et cela prouve bien la thèse de Nietzsche selon laquelle tout n’est que biographie -, ma première fiancée exigeait avant nos rendez-vous que j’aie lu une dizaine de pages de Zarathoustra. J’avais 18 ans, j’étais un peu dépassé par le propos. Et puis plus tard, bizarrement, j’ai vu que Nietzsche infiltrait toutes les questions de notre époque. Est-ce par l’amour que Deleuze avait pour lui ? En tout cas, il a une audience et il y a un phénomène Nietzsche.

Alors j’ai eu envie de voir s’il « passait à l’oral ». Grâce à France Culture pour laquelle ce sera une première, je vais le tenter et faire l’expérience de le dire à la fois pour la radio et pour le public. C’est une gageure, mais c’est assez passionnant parce que je vais essayer de le servir pour le faire entendre. On va enregistrer et du coup on aura une idée exacte de la manière dont « ça passe ou non », je saurai si, après cette lecture au Musée Calvet, je pourrai le jouer dans une salle à Paris, assez petite, parallèlement à des spectacles plus grand public.

Quant à Baudelaire que l’on entendra aussi, pour aller vite, on pourrait dire que c’est un décadent, un morbide, un artiste dans le spleen et la souffrance. Il est donc presque l’antithèse du dépassement, de la vitalité, du grand « oui » dionysien de Nietzche. Mais leur point commun est l’amour de la forme, l’amour de l’apparence, l’efficacité stylistique, le sens de la rupture et puis la vérité de la forme qui est presqu’une vérité comme l’exprime bien Paul Valery : « Qu’est-ce qu’il y a de plus profond dans l’homme ? ma peau » ou bien encore Nietzsche avec cette phrase extraordinaire dans laquelle se trouve une grande partie de sa pensée : « Ah ces grecs ! Ils étaient superficiels par profondeur ». »

Fabrice Luchini
Cour du Musée Calvet

Distribution
Textes extraits de Ecce homo et du Gai Savoir de Nietzsche, traduits par Alexandre Vialatte et extraits de Ainsi parlait Zarathoustra traduits par Marthe Robert.

Lecture : Fabrice Luchini

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